
Schrattenfluh, tout en crête
Montagne discrète des Alpes suisses, la Schrattenfluh est située dans le Haut-Emmental, au cœur du canton de Lucerne. De tout son long, cette crête rocheuse dentelée dévoile un splendide panorama des Alpes au Jura. Paysage karstique par excellence, on y trouve en surface des roches façonnées par l’eau de pluie tandis que sous nos pieds, un vaste réseau de cavités très ramifié reste encore peu exploré. C’est aussi le point culminant de l’Entlebuch, une réserve naturelle classée Biosphère de l’UNESCO qui protège de magnifiques landes préalpines.
Qu’est-ce que le karst ? C’est une structure géomorphologique résultant de l’érosion hydraulique de roches solubles, et principalement de roches calcaires. Ainsi, suivant un long processus, le ruissellement des eaux de pluie dissout la roche, laissant en surface de nombreux motifs dénommés lapiaz. Les variations de température fracturent également la roche. Ainsi apparaissent de nombreuses rigoles ou crevasses entre lesquelles la roche apparait comme ciselée, avec des arrêtes coupantes dans les calcaires durs ou arrondies dans les calcaires plus tendres.






Des falaises abruptes et des formations calcaires atypiques dessinent les contours de la Schrattenfluh. Ce massif est unique non seulement en surface, avec ses motifs ciselés, mais aussi dans les profondeurs. L’eau de pluie s’infiltre directement à travers sa surface fragmentée et s’écoule dans un énorme réseau de grottes de plus de 50 km de long. La plupart ne serait pas accessible au public et réservée aux spéléologues avertis. Ce fut sans doute l’une des plus belles randonnées que nous ayons réalisé durant nos 5 années passées en Suisse.
Tour du Schrattenfluh | 12 km | D+ 770 m | 5h
Une fois stationné sur la petite route menant au restaurant d’alpage Alp Schlund (attention cul-de-sac !), nous démarrons notre ascension par un chemin assez large jusqu’au refuge de Chlushütte posé à 1774 m d’altitude. On a la chance d’y trouver une grande table à pique-nique qui offre une vue incroyable. On ne résiste pas à s’y attabler, cette première côte nous a ouvert l’appétit !







Puis nous amorçons l’ascension qui mène à la crête. En arrivant à Türstenhauptli, à près de 2000 m d’altitude, on a l’impression que la croûte terrestre s’est soulevée à quarante-cinq degrés, donnant naissance à une immense pente inclinée côté Sud, révélant des falaises abruptes côté Nord. Nous nous engageons sur ce fameux sentier des crêtes, absolument époustouflant. On se sent comme des funambules entre Alpes et Jura bernois !








Nous atteignons alors le point culminant du massif, nommé Hengst, à 2092 m. On s’extasie devant ce point de vue panoramique à 360° : au Nord, les successions de collines de l’Entlebuch jusqu’au Jura, et au Sud, les Hautes-Alpes bernoises et la chaîne du Brienzer-Rothorn. On prend le temps de laisser un petit mot dans le cahier du sommet avant de nous engager dans la descente.








Il faut être extrêmement prudents sur ce tronçon en raison des trous profonds, les fameux lapiaz, qui jalonnent le karst, de part et d’autre du sentier balisé. La lumière tamisée de cette fin d’après-midi automnale rend cet environnement minéral encore plus magique. Après avoir crapahuté sur le sentier, qu’on aurait finalement préféré faire en sens inverse, nous atteignons l’alpage de Silwängen puis celui d’Alp Schlund, encore fascinés par ce paysage karstique unique.













Dans quel sens ? Contrairement à nous, c’est une randonnée à faire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. L’ascension à travers les lapiaz sera plus aisée puis, une fois arrivée sur la crête, on marche face aux Alpes bernoises.

Bonus : pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur le karst, un rapport instructif de l’Institut Suisse de Spéléologie et de Karstologie.
Randonnée effectuée le 31 octobre 2020


2 commentaires
Lookoom
Belle randonnée, les photos accompagnent parfaitement le texte pour rendre l’effort et surtout la beauté du paysage. On se sent grand à se trouver si haut et en même temps si humble face à l’immensité.
Fred P.
Merci ! Il faut dire qu’avec un territoire occupé à 60% par le massif alpin et 10% par les hauts plateaux jurassiens, la Suisse est particulièrement photogénique ! Un vrai paradis pour les amateurs de rando !