Argovie et Thurgovie : comme un air de Normandie

Frontière naturelle entre la Suisse et l’Allemagne, le Rhin sépare les cantons helvètes d’Argovie et de Thurgovie du Land allemand de Baden-Württemberg. Les douces collines verdoyantes de Thurgovie-Bodensee, cousues de milliers de pommiers, descendent jusqu’aux rives du lac de Constance, dont le tour séduit bon nombre d’amateurs de la petite reine. Cette vaste région arboricole produit principalement des pommes, le fruit préféré des Suisses !

Voici un voyage que nous avons improvisé vingt-quatre heures avant notre départ. Le choix de cette destination a été dicté par notre meilleur allié : la météo ! Une pluie abondante étant annoncée sur les trois-quarts du territoire suisse, il restait sur la carte un petit coin de ciel bleu au nord du pays, entre Argovie et Thurgovie, au Sud du lac de Constance. Ni une ni deux, on trace un itinéraire grâce à l’indispensable appli Suisse Mobile, on réserve cinq nuitées dans des hôtels venant à peine de rouvrir en ce timide début de saison et on prépare nos sacoches pour ce premier long bike-trip. Et puis ce fut surtout l’occasion d’amener avec nous notre nouveau partenaire de voyage à vélo : BOB

Qui est BOB ? Pour les novices, BOB est un trailer, une petite remorque mono roue tout spécialement développée pour être accrochée derrière un vélo. Bien pratique, il permet de transporter un sac étanche offrant un généreux volume de 90 litres, soit quasiment l’équivalent de cinq sacoches à vélo Ortlieb Classic. Pour un voyage familial, c’est la solution idéale lorsque les enfants ne peuvent embarquer de sacoches sur leurs montures, et que papa se transforme en Sherpa !

Jour 1 | Bâle > Laufenburg | 50 km | D+ 240 m
Nous nous rendons en train jusqu’à Bâle, appréciant une fois de plus la facilité de voyager avec des vélos en Suisse (à condition de réserver au préalable une place pour chaque vélo !). La célèbre Route du Rhin à vélo passe juste devant la gare. Nous la suivons en direction de l’Est, et quittons la ville en laissant la banlieue et les zones industrielles bâloises derrière nous. Plusieurs pistes forestières se succèdent avant de rejoindre la charmante ville de Rheinfelden pour une pause-déjeuner. On ne se lasse pas de la diversité des pistes cyclables, routes de campagne et autres chemins champêtres qui constituent ces itinéraires suisses parfaitement balisés. La route offre de beaux points de vue sur les contreforts de la Forêt noire, de l’autre côté du Rhin. Nous arrivons en fin d’après-midi à Laufenburg dont le vieux pont, aujourd’hui piétonnier, fait office de frontière entre l’Allemagne et la Suisse.

Jour 2 | Laufenburg > Rüedi | 60 km | D+ 455 m
On s’échauffe avec un itinéraire plutôt roulant, tantôt sur des pistes cyclables, tantôt sur des axes plus fréquentés qui suivent le Rhin de près. On se permet une discrète incursion en Allemagne en faisant un aller-retour sur un pont réservé aux piétons. Les rives du fleuve sont jalonnées de bunkers, témoignage historique d’une ligne de défense révolue. Après une pause déjeuner près des bains thermaux de Bad Zurzach, nous poursuivons notre route en passant près de la centrale hydro-électrique de Rheinsfelden dont l’architecture industrielle est remarquable. Une fois passé ce barrage, la vallée du Rhin devient plus encaissée, plus sauvage. Nous la quittons provisoirement pour rejoindre notre hébergement du soir et traverser la région viticole de l’Unterland zurichois. Nous arrivons alors dans une ferme isolée sur les hauteurs, qui offre la particularité d’héberger ses hôtes dans d’authentiques roulottes admirablement restaurées. Nous terminons la soirée autour d’une bouteille de Schwarz Weingut, une production du vigneron voisin, pendant que les enfants s’amusent avec les animaux de la ferme laissés en liberté. Le réconfort après une belle journée d’effort !

Jour 3 | Rüedi > Gottlieben | 70 km | D+ 640 m
Nous rebroussons chemin pour retrouver la route du Rhin qui suit alors une voie sinueuse surplombant des gorges. C’est ici que nous laissons provisoirement cet itinéraire pour tracer une diagonale à travers la Thurgovie et rejoindre les rives du lac de Constance. Nous évitons volontairement Schaffhausen et Stein am Rhein où nous avons déjà roulé l’été dernier. La topographie change, on retrouve plus de dénivelé au milieu des vergers fleuris et des pâturages mouchetés de millions de pissenlits. Après un ravitaillement gourmand dans une bäckerei, nous pique-niquons au pied de l’église protestante d’Oberneunforn, avant de repartir à travers la campagne vallonnée. Puis une longue et rapide descente nous ramène en quelques minutes sur la route du Rhin qui longe désormais les rives du lac de Constance. Les vingt derniers kilomètres sont agrémentés de beaux villages tels que Berlingen, Mannenbach-Salenstein et Ermatingen. Nous arrivons finalement au charmant bourg de Gottlieben qui semble assoupi en ce début de saison. L’hôtel offre une vue imprenable au bord du fleuve qui relie précisément à cet endroit l’Untersee et le Bodensee, les deux parties qui forment le lac de Constance.

Jour 4 | Gottlieben > Bischofszell | 45 km | D+ 330 m
On repart sur la route du Rhin mais sous la grisaille qui nous a rattrapé… On ne pourra pas visiter la ville de Constance, les frontières restant plutôt hermétiques en raison des mesures sanitaires actuelles. Nous traversons alors Kreuzlingen, son Seeburgpark, ses chantiers navals, et roulons à vive allure sur une belle piste (sûrement plus fréquentée durant l’été) entre lac, vergers, voie ferrée et campings. De magnifiques propriétés, que l’on jauge à la taille XXL de leur terrain, occupent les berges. Une fois passé le pittoresque village d’Uttwil, nous déjeunons à Romanshorn avant de rattraper l’itinéraire Route Mittelland qui traverse le centre de la Suisse. Avec ses pommiers fleuris, la Thurgovie a des airs de Normandie ! Le soleil fait son retour, et nous en profitons pour admirer le château médiéval d’Hagenwil, rouge comme une grosse pomme. Puis nous arrivons à la charmante cité historique de Bischofszell, lovée à la confluence des rivières Sitter et Thur qui a donné son nom au canton. La ville est reconnue pour l’énorme papeterie qui siège au creux de cette discrète vallée.

Jour 5 | Bischofszell > Kartause Ittingen | 40 km | D+ 280 m
Pour cette dernière journée, nous n’échappons pas à la pluie, heureusement très modérée. Nous poursuivons notre itinéraire en suivant la Thur-route 95 qui longe la Thur, tranquille rivière jalonnée de scieries et petites industries, mais aussi de nombreuses fermes. Ici, c’est l’asperge la reine des champs ! En traversant une exploitation agricole, on reste admiratifs devant ces étals en libre-service, où l’on dépose son paiement dans une petite caisse. Un concept qui ne survivrait pas dans nombre de pays voisins ! Les enfants ne résistent pas à la tentation de s’arrêter dans une aire de jeu faite de vieux matériels recyclés. Après une pause ravitaillement dans le centre historique de Weinfelden, on bascule sur la Ostschweizer Wein-Route 26 qui traverse la région viticole zurichoise. L’itinéraire chemine au pied des coteaux de vignes et nous mène tranquillement à la chartreuse de Kartause Ittingen, destination finale de notre voyage. Cet ancien monastère, célèbre aussi pour sa bière ambrée et ses vins, abrite aujourd’hui un hôtel-restaurant, une somptueuse chapelle et un intéressant musée d’art contemporain.

Au total, ces 275 km auront constitué un bel entrainement pour notre futur projet de voyage qui consisterait à rallier Bâle à La Haye en vélo. On en parle encore au conditionnel puisque sa concrétisation dépendra de l’évolution de la situation sanitaire dans les prochains mois. A suivre !

Et BOB dans tout ça ?
D’un point de vue statique, BOB présente une qualité de fabrication irréprochable. Son robuste châssis en acier CrMo (réparable en cas de casse si on lui inflige un usage intensif !) est très bien fini, les soudures sont propres, la peinture brillante quoiqu’un peu fragile. BOB est né sur le sol américain mais il est produit à Taïwan, devenu depuis les années 90 la fabrique mondiale de l’industrie du cycle et de ses composants. Une fois attelé, il faut s’habituer à manœuvrer son vélo avec la remorque car on perd forcément en maniabilité.
Sur la route, une fois le convoi lancé, c’est un vrai bonheur ! On oublie presque BOB, ça roule comme sur un rail ! On conserve un parfait alignement, la remorque ne provoque pas de déséquilibre à l’arrière du vélo. C’est beaucoup plus agréable qu’une Chariot double (j’y ai promené mes progénitures pendant quelques années…), plus large, et qui a parfois tendance à prendre du ballant à grande vitesse. Je bénis cependant les freins à disque de m’arrêter car ça pousse fort derrière ! Et puis le côté sympa de BOB, c’est qu’il attire le regard bienveillant des cyclistes avisés qui reconnaissent en cet équipement une icône des voyages au long cours.

CARNET PRATIQUE :

Itinéraire :

Où dormir :
Hôtel Mokka à Laufenburg : un petit hôtel au bord du Rhin, face aux façades colorées du Laufenburg allemand. Super petit-déjeuner dans le café voisin.

Roulotte à la ferme à Rüedi : un hébergement insolite, dans une ancienne roulotte de cirque admirablement restaurée ! Le matin, le petit-déjeuner fermier est déposé dans un panier, sur les marches de la roulotte !

Porto Sofie à Gottlieben : un hôtel historique cossu, fraîchement rénové, face à l’embarcadère, pour dormir les pieds dans l’eau.

Le Lion à Bischofszell : un hôtel occupant une belle bâtisse de la vieille ville. Excellent petit-déjeuner. On regrettera juste la route hyper passante qui traverse cette tranquille cité.

Kartause Ittingen à Warth : un ancien monastère de Chartreux qui accueille aujourd’hui un hôtel offrant des chambres très contemporaines, un restaurant aménagé dans l’ancien moulin, des salles de séminaire (avec un petit bowling au sous-sol !), un musée d’art contemporain, une boutique de produits du terroir… bref une étape qui vaut vraiment le détour pour apprécier la sérénité du lieu !

Voyage réalisé du 26 au 30 avril 2021